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#1 21-12-2020 17:13:01

RODANGES
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Changement de paradigme?

un article du journal Le Monde, qui semble marquer un changement au niveau de la façon dont les cours d'eau sont appréhendés.
Par Martine Valo

Les cours d’eau européens sont fragmentés par une multitude de barrages, seuils, écluses, une cause majeure et sous-estimée de perte de la biodiversité.

Les rivières d’Europe ne s’écoulent pas librement. L’eau est freinée dans sa course non seulement par quelques grands barrages, mais surtout par une myriade d’obstacles en tous genres : seuils, gués, déversoirs, écluses, canalisations de dérivation… Le Vieux Continent est sans doute celui qui a le plus fragmenté ses rivières au fil de son histoire pour alimenter des moulins, forges, scieries, au point de transformer progressivement la majorité d’entre elles en tronçons d’eaux stagnantes. Pour la faune et la flore, pour le sable et le gravier qui vont regarnir les plages sur le littoral, cela change tout. Seul un tiers des rivières de l’Union européenne répond actuellement aux critères d’un bon état écologique défini dans la directive-cadre sur l’eau.

Une équipe de chercheurs majoritairement européens a décidé d’inventorier tous les écueils artificiels qui contrarient les flux des « rivières cassées », selon leur expression, à l’échelle du continent (y compris en Scandinavie, dans les pays baltes, etc.). Ils ont recensé au moins 1,2 million d’ouvrages difficiles à repérer, mal cartographiés, souvent à l’abandon, sur un réseau fluvial de 1,65 million de kilomètres – soit une moyenne de 0,74 ouvrage par kilomètre. Encore s’agit-il d’une estimation prudente qui n’englobe pas les petits cours d’eau. Les 36 Etats sont loin d’avoir une vision juste de la situation qu’ils sous-estiment en moyenne de 36 % à 48 %.

Pour parvenir à cet atlas inédit – le plus complet à cette échelle même s’il pourra être complété –, quatre ans de travail ont été nécessaires au sein du programme Amber (Adaptive management of barriers in Europe ; « gestion adaptative des obstacles en Europe »), avec des financements de la Commission européenne. Une première étude tirée de cette base de données a été publiée mercredi 16 décembre dans la revue Nature ; elle est signée par vingt chercheurs avec pour principale autrice Barbara Belletti, spécialiste en géomorphologie au CNRS et à l’université de Lyon.

Déclin vertigineux des poissons migrateurs

Cette collaboration d’universitaires a pour but de recenser et mieux cerner la typologie des obstacles qui freinent les courants en surface, afin de contribuer à rétablir leur continuité. « Une rivière vivante est une rivière dont l’eau coule, martèle Carlos Garcia de Leaniz, de l’université Swansea au Royaume-Uni, coordinateur du programme Amber et cosignataire de l’étude. Connaître le nombre des obstacles qui les barrent est indispensable. Certains d’entre eux ont un impact énorme sur tout le bassin-versant. La bonne nouvelle de notre étude, c’est que la plupart [des obstacles] atteignent moins de 2 mètres de haut [dans 68 % des cas tandis que 91 % mesurent moins de 5 mètres] et qu’ils sont à l’abandon. On peut donc envisager de les enlever ! »

La stratégie européenne en faveur de la biodiversité décidée en 2020 demande en effet aux Etats membres d’atteindre un écoulement naturel d’au moins 25 000 kilomètres de cours d’eau d’ici à 2030. Car les écosystèmes aquatiques sont parmi les plus variés mais aussi les plus menacés. Le déclin des poissons migrateurs dans le monde est vertigineux : il dépasse 90 % en un demi-siècle pour certaines espèces. Et la fragmentation des rivières en est une des causes majeures. Les poissons – pas seulement les migrateurs – sont impactés tout au long de leur cycle de vie. Ils sont entravés dans leurs déplacements vers leurs frayères, leurs zones d’alimentation, leurs abris qui dépendent aussi des sédiments transportés par les ondes. Ils pâtissent des changements de morphologie des rivières, des lâchers de barrages, de changements brusques de température et de taux d’oxygène. Les retenues d’eau modifient les communautés de macro-invertébrés et augmentent l’abondance du plancton, ce qui favorise la colonisation de certaines espèces planctonivores, réduisant la diversité de la faune.

147 rivières étudiées

Selon Carlos Garcia de Leaniz, la restauration des cours d’eau a jusqu’à présent souffert à la fois du manque de données et d’idées fausses. Ainsi le débat sur le retour de la continuité des rivières a tendance à se focaliser sur les grands barrages, alors que ces derniers représentent moins de 1 % du total des ouvrages en moyenne. « C’est la multitude d’obstacles divers qui a le plus d’effet, insiste le biologiste. Si un saumon de l’Atlantique ne peut pas sauter une barrière de plus de 4 mètres dans sa migration, peu importe que celle-ci mesure 5 mètres ou 10 mètres ! Sur les trois facteurs qui entrent en compte : le nombre, la localisation et la hauteur des obstacles, celle-ci est la moins déterminante. »

D’ailleurs, souligne-t-il, prendre systématiquement le saumon pour référence n’est pas juste. « Il incarne certes une espèce iconique mais pas la plus représentative. Et tous les autres poissons qui n’ont pas sa formidable puissance de nage alors ? Et les invertébrés ? »

Le grand défi d’Amber a été de rassembler et d’harmoniser les informations contenues dans 120 bases de données qui diffèrent grandement en qualité et en couverture spatiale, le tout reflétant de sérieuses différences culturelles d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, rapportent les auteurs de l’étude. Certaines différences sont surtout motivées par le potentiel de développement hydroélectrique ; d’autres par les capacités de prélèvements de la ressource hydrique ; ou encore par la préservation de la biodiversité. Pour les ajuster, il a fallu exclure 106 400 duplicatas et nourrir les modèles informatiques d’Amber d’échantillonnages en arpentant les berges.

Au total, 2 715 kilomètres de 147 rivières ont fait l’objet d’une étude standardisée de terrain dans 26 pays. Le public a rapporté une partie des observations lors d’une campagne de science participative par le biais d’une application dédiée, le reste étant fourni par des professionnels. Résultat : la fragmentation de ces 147 cours d’eau s’est révélée supérieure de 61 % aux estimations antérieures.


La sous-évaluation est généralement massive : les Balkans ne recensent pas 76 % à 98 % du total de leurs déversoirs, seuils, barrages de toutes tailles, vannes, conduites, gués… L’Estonie en ignore 91 %, la Grèce 97 %. L’Italie, par exemple, compte officiellement 32 000 ouvrages quand l’étude de Nature en trouve 65 700. A l’inverse, les Pays-Bas – dont les cours d’eau sont les plus fréquemment interrompus avec une densité moyenne de 19 barrières au kilomètre – connaissent avec une grande précision l’état de leur réseau fluvial. La France fait elle aussi figure d’exception avec son inventaire national d’une qualité exceptionnelle.

Dans l’ensemble, « il faut changer de paradigme, small is not beautiful », écrivent les scientifiques : prendre conscience de la réalité des « rivières cassées » et du déclin vertigineux du vivant dans les écosystèmes aquatiques. Or, il existe encore nombre de projets de microcentrales électriques sur les cours d’eau préservés des Balkans et même dans les régions montagneuses de l’ouest de l’Europe.

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#2 21-12-2020 17:54:44

Artza64
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Re: Changement de paradigme?

Article très intéressant, si seulement cette prise de conscience pouvait "s'accentuer" encore et encore...

A+
T


Never Give Up

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#3 21-12-2020 18:18:55

raphaël
Adhérent
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Re: Changement de paradigme?

On se sent un peu moins seul...


a+

R


Qu'est ce que la civilisation? Une fin en soi, ou un stade avancé de la barbarie? H. Melville

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#4 21-12-2020 18:41:07

Temelo
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Re: Changement de paradigme?

Merci pour l’ info..en espérant que ce ne soit pas une étude de plus qui soit mise au placard.A+

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#5 21-12-2020 20:24:03

RODANGES
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Re: Changement de paradigme?

Ce n'est pas seulement une étude puisqu'elle débouche sur un projet européen. On peut penser qu'il va se décliner sur la DCE.

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#6 22-12-2020 01:55:40

Speycaster
Adhérent
Inscrit(e): 13-12-2019
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Re: Changement de paradigme?

Bonjour,

merci Josselin pour cet excellent article que tu portes à notre connaissance, une fois de plus !

Cet article montre que les gens sont capables de mettre en évidence et d'analyser avec recul les "conneries" qui ont été faites dans le passé, sachant bien qu'il est très facile aujourd'hui d'analyser les faits du passé pour en déduire que c'était des conneries alors qu'elles me permettent peut-être d'écrire ces mots sur un ordinateur ... mais ce n'est pas pour autant une raison de ne pas le dire aujourd'hui et de ne pas avoir un regard critique sur ce passé et surtout d'essayer d'en effacer les effets négatifs. On apprend de ses erreurs dit-on ...

Cet article est aussi un moyen de voir que l'Europe n'est pas seulement une affaire de politique, de traités, d'économie mais aussi une affaire tout aussi importante de collaboration entre citoyens européens, des chercheurs dans le cas présent, qui me font espérer dans le futur, surtout pour mes enfants ...

Laurent

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#7 29-12-2020 18:29:07

Pascal
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Messages: 448

Re: Changement de paradigme?

Bonjour à tous,
Il y a une phrase qui me titille :"La France fait elle aussi figure d’exception avec son inventaire national d’une qualité exceptionnelle".
C'est vrai qu'avec le ROE (Référentiel des Obstacles à l’Écoulement) la France a fait un gros effort afin d'identifier les obstacles artificiels de toute nature à l’écoulement.
Pour autant, tous ne sont pas dénombrés loin s'en faut car l'ONEMA est allé aux plus faciles et depuis que l'OFB à pris la relève le recensement est arrêté pour ce que j'en sait!!
Il existe donc y compris sur les rivières dites classées au titre de la continuité écologique (L.214-17 du CE) des dizaines d'ouvrages artificiels qui sont à ce jour non référencés dans le ROE. Certes pour l'essentiel ce ne sont pas de très gros ouvrages mais leur nombre est problématique d'autant plus que très souvent ils sont infranchissables à la montaison.
Donc attention au cocorico!!!

Dernière édition de: Pascal (29-12-2020 18:32:44)


"Le peu qu'on peut faire, le très peu qu'on peut faire, il faut le faire ..." Théodore Monod

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#8 30-12-2020 09:58:46

RODANGES
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Re: Changement de paradigme?

Chacun, dans son secteur, peut encore aider au ROE. Il suffit d'aller sur cette base de données, de regarder si les obstacles que l'on connait y sont référencés ou non, et de signaler ceux qui ne le sont pas. En fait, il n'en reste pas beaucoup à signaler, ou alors ils sont très récents. La garderie a tout de même fait un très gros travail là-dessus, même si effectivement cela s'est arrêté depuis la restructuration en AFB puis OFB, dans lequel l'ex ONCFS est dominant.
Bien des sigles pour masquer la perte d'effectifs et de représentativité. Heureusement il y a les associations, qui peuvent relayer l'OFB à condition de ne pas leur tirer dans les pattes. Par exemple si les gardes (les vrais) ont l'obligation statutaire de signaler des manquements à la loi et qu'ils ne le font parfois pas, c'est essentiellement parce qu'ils savent que depuis un certain président (prénom Nicolas) les procureurs et préfets ont tout loisir d'enterrer toute infraction ou procédure, même avec constitution de partie civile. D'où l'intérêt qu'il y a -parfois- à attaquer directement l'Etat (le Préfet) pour "carence" lorsqu'une infraction perdure.

Dernière édition de: RODANGES (30-12-2020 11:43:42)

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#9 30-12-2020 14:50:39

Pascal
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Messages: 448

Re: Changement de paradigme?

Je suis d'accord Josselin mais une inscription au ROE n'est que la première étape qui n'apporte que peu d'information si ce n'est l'emplacement et la nature de l'obstacle. Pour que l'information soit complète il faut que le protocole ICE (Information sur la Continuité Écologique) ait été mis en œuvre puisque maintenant l'expertise a été remplacée par une approche de "terrain" permettant d'attribuer une note caractérisant la franchissabilité piscicole uniquement à la montaison (quid de la dévalaison comme de la problématique du transport solide). Or ce protocole ICE est beaucoup plus contraignant en temps (Il faut décrire précisément l'ouvrage et faire au moins deux passages à des débits et des époques de l'année différentes) et les "gardes" comme tu les appelles n'ont plus le temps ni les moyens car ils ont perdu la main.
Si cela a été fait pour partie sur certain départements et cours d'eau la très grande majorité des ouvrages recensés dans le ROE n'ont pas été l'objet du protocole ICE et en conséquence on ne sait pas à quel degré ils constituent des obstacles à la montaison ni pour qu'elles espèces.


"Le peu qu'on peut faire, le très peu qu'on peut faire, il faut le faire ..." Théodore Monod

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#10 02-01-2021 09:03:21

RODANGES
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Re: Changement de paradigme?

C'est très vrai, mais toutefois la simple signalisation auprès de l'OFB d'un obstacle ne figurant pas au ROE est déjà un progrès en soi, car à défaut d'être complétement décrit il peut être référencé en tant que tel avant que d'être quantifié et qualifié plus précisément.

Dernière édition de: RODANGES (02-01-2021 10:04:34)

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